ACTIONS DU CONSEIL NATIONAL ET ACTUALITES INTERNATIONALES

Le Conseil national des barreaux s’engage résolument sur le thème de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme


Après un premier colloque organisé en 2012 en partenariat avec l’American Bar Association (ABA) sur la responsabilité des entreprises dans les zones de conflit et après avoir rejoint, la même année, le groupe de travail de l’ABA sur cette thématique, le Conseil national des barreaux renforce encore son positionnement sur la question des entreprises et des droits de l’Homme – concept plus largement connu sous le nom de « Business and Human Rights ».


Le Conseil national des barreaux conforte à cet effet sa présence au sein des lieux de réflexion et de production de la norme dans ce domaine : Après Washington, le CNB était à Genève, au Palais des Nations, quelques jours après que son Assemblée générale ait adopté une motion relative à la proposition de loi française sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et entreprises donneuses d’ordre que l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture le 31 mars 2015 (PDF).

Cet article propose un bref retour sur les origines internationales du concept de « Business and Human Rights » et sur les principes directeurs des Nations-Unies qui définissent aujourd’hui le cadre de référence de ce domaine. Il revient enfin sur les dernières évolutions en France et sur les grandes étapes de la mobilisation de la profession.

Quelques éléments sur l’origine de l’articulation du monde des affaires avec les droits de l’Homme

Force est de constater que la profession d’avocat a accumulé un retard considérable dans ce domaine – qui, pourtant, produit et produira des effets majeurs à l’égard de ses clients - qu’il s’agisse d’ailleurs des victimes de violations de droits de l’Homme ou des entreprises sollicitant les conseils d’un avocat d’affaires pour leur développement international.

La problématique de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme est en effet ancienne et les débats qui l’entourent – porté en particulier par la société civile via de nombreuses ONG - remontent bien avant la première adoption formelle de « lignes directrices » par une institution internationale, en l’occurrence l’OCDE en 1976 (en savoir plus), jusqu’à se confondre avec les prémisses de ce concept que l’on a appelé la « Responsabilité sociale des entreprises » (RSE).

Il est vrai que le thème « Business and Human rights » n’est véritablement apparu comme un sujet incontournable sur la scène internationale qu’à partir du moment où les Nations-Unies s’en sont saisi. En 2005, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, nommait en effet le Professeur John Ruggie représentant spécial des Nations-Unies sur les entreprises et les droits de l’Homme. En un temps record, John Ruggie parvint à faire adopter par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU – et par deux fois à l’unanimité – d’abord son cadre de référence «protéger, respecter et réparer» en 2008, puis les principes directeurs des Nations-Unies relatifs aux entreprises et droits de l’Homme, plus connus sous le nom de « principes de Ruggie » en 2011 (en savoir plus).

Les principes directeurs des Nations-Unies

Les 31 principes directeurs des Nations-Unies s’articulent autour trois piliers qui doivent permettre de concilier les différents niveaux de responsabilités qui incombent aux Etats, d’une part, et aux acteurs économiques privés de l’autre :

  • Protéger - State duty to protect : Le devoir de protéger, qui incombe aux Etats, les rend responsables de prendre les mesures nécessaires, notamment pour protéger les citoyens des impacts négatifs des entreprises transnationales à l’égard des droits humains.
  • Respecter - Corporate responsibility to respect : Le devoir de respecter s’adresse aux entreprises et leur impose la responsabilité d’éviter les impacts négatifs de leurs activités par la mise en œuvre de procédures de « diligence raisonnable » requises en amont de toutes activités.
  • Réparer - Access to remedy : Le droit de recours et le droit à réparation, judiciaires ou non, pour toutes personnes victimes d’une violation de ses droits.

La notion de « diligence raisonnable » est explicitée par le 17ème principe directeur relatif aux entreprises et aux droits de l’homme formulé par les Nations unies : « Afin d’identifier leurs incidences sur les droits de l’homme, prévenir ces incidences et en atténuer les effets, et rendre compte de la manière dont elles y remédient, les entreprises doivent faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Ce processus devrait consister à évaluer les incidences effectives et potentielles sur les droits de l’homme, à regrouper les constatations et à leur donner une suite, à suivre les mesures prises et à faire savoir comment il est remédié à ces incidences ».

Or, à l’instar des principes de l’OCDE, ce texte considère que la responsabilité d’une société dépasse ses activités propres pour embrasser celles de ses partenaires économiques, comme le souligne le 19ème principe directeur : « lorsqu’une entreprise contribue ou peut contribuer à une incidence négative sur les droits de l’homme, elle doit prendre les mesures nécessaires pour empêcher ou faire cesser sa contribution et user de son influence pour atténuer les incidences restantes dans la mesure du possible. On considérera qu’il y a influence lorsque l’entreprise a la capacité d’apporter des changements aux pratiques illicites d’une entité qui commet un abus ».

A partir de ce fondement international qui allait servir de cadre général à la plupart des autres initiatives, le monde a assisté à une prolifération de normes, de déclarations et de plans destinés à rendre peu à peu concrètes les orientations proposées par John Ruggie. Cette accélération du processus – prolifération quantitative des normes d’une part et mouvement de translation du droit souple vers le droit contraignant d’autre part – s’est en outre appuyée sur la médiatisation de plusieurs grandes catastrophes humaines, sociales, écologiques et industrielles comme le naufrage de l’Erika en France en 1999 ou encore le drame du Rana Plaza, cette usine textile qui s’est effondrée au Bengladesh en 2013.

L’Union européenne a également très vite rejoint ce processus comme l’illustre la communication de la Commission européenne du 25 octobre 2011, sur la « Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l'UE pour la période 2011-2014 » ou encore l’adoption, le 22 octobre 2014, de la directive 2014/95/UE sur le reporting non-financier qui prévoit notamment la publication par les entreprises d’informations sur les mesures de diligence raisonnables mises en place au sein de ses chaînes d'approvisionnement et de sous-traitance, notamment pour la prévention des violations des droits de l'homme.

Les entreprises et les droits de l’Homme en France : vers le franchissement d’une nouvelle étape ?

La France - qui n’a pourtant toujours pas adopté de Plan d’action national comme le recommandent plusieurs déclarations internationales - a voulu combler son retard en se dotant d’une loi rendant obligatoire le principe de devoir de vigilance.

Après un parcours législatif de plusieurs années, une proposition de loi relative au « devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre » a donc finalement été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 31 mars 2015.

Si l’ensemble de la profession, et au-delà, l’ensemble des citoyens, ne peuvent que se féliciter que le législateur français s’efforce de mettre un terme à toute forme d’impunité des grandes entreprises, en traquant les angles morts de notre droit, beaucoup d’experts se montrent sceptiques et même déçus par ce texte.

C’est le sentiment que partage le Conseil national des Barreaux et qui l’a poussé à adopter, lors de son Assemblée générale du 29 mai 2015, une motion appelant à l’arrêt des travaux au Sénat pour concentrer les efforts au niveau européen, comme l’appelle de ses vœux le Parlement européen lui-même dans une résolution adoptée le 29 avril 2015 (voir ici). Plusieurs raisons expliquent cette position et tiennent avant tout à une rédaction peu rigoureuse du texte de la proposition de loi.

Le texte fixe en effet des seuils en termes de taille des entreprises concernées par l’obligation du devoir de vigilance, mais ces seuils – arbitraires à plusieurs égards – restent mal définis. La nature juridique des entreprises visées n’est pas non plus claire, tout comme la nature et le contenu du plan de vigilance que l’on attend d’elles ou des droits de l’Homme qu’elles devraient respecter. Seule certitude offerte par le texte : une obligation de résultat se dessine pour les grandes entreprises françaises, sous peine d’une amende de 10 millions d’euros.

Les initiatives de la profession et du Conseil national des Barreaux

Il appartient aux avocats d’accompagner leurs clients dans leurs développements internationaux et de les conseiller sur la législation en vigueur, les règles applicables, de les sensibiliser sur les risques. Il incombe donc au barreau de développer des formations mais aussi des outils liés à la particularité de la matière, pour ne pas laisser seuls les cabinets d’avocats devant ces nouveaux défis. Il importe de garder à l’esprit que le profession d’avocat a d’ores et déjà pris un retard considérable et que le rôle qu’elle devrait jouer est aujourd’hui assuré par la profession de consultants ou des cabinets d’audit qui ne peuvent guère apporter les mêmes garanties aux clients et ne permettent pas d’envisager tous les risques, et notamment les risques de contentieux, pourtant de loin les plus dangereux.

C’est la raison pour laquelle la profession se mobilise aujourd’hui et cherche à combler son retard. Plusieurs grandes initiatives jalonnent le chemin parcouru et la profession progresse peu à peu pour se positionner comme un acteur majeur de la formation de ce nouveau domaine du droit.
Parmi les grandes étapes de la mobilisation de la profession, on peut rappeler que le Conseil national des barreaux et l’American Bar Association avait organisé le 21 mars 2013, un grand colloque à Paris sur la responsabilité pénale des entreprises en zone de conflit.

Dès 2013, le CCBE publiait pour sa part des lignes directrices sur « la responsabilité sociale des entreprises et le rôle de la profession d’avocat », puis une deuxième version en février 2014 (en savoir plus).

En décembre 2014, le groupe de travail sur les droits de l’Homme et les entreprises de l’IBA publiait, sous la forme d’un projet ouvert à la consultation, deux propositions de guides relatifs aux entreprises et aux Droits de l’Homme, le premier à l’usage des barreaux, le second à celui des avocats d’affaire (en savoir plus).

En avril 2015, une conférence co-organisée par l'American Bar Association (ABA) et l'International Bar Association (IBA) à la George Washington University sur le thème « Entreprises et Droits de l'Homme », à laquelle le Conseil national des barreaux a été convié, a permis au CNB, par l’intermédiaire du Président de la Commission des Affaires européennes et internationales Philippe-Henri Dutheil, de présenter les derniers développements législatifs en France.

Les 8 et 9 juin enfin, aux côtés notamment de l’American Bar Association, de l’Union Internationale des Avocats ainsi que de la Law Society of England & Wales et le Bar Council of England and Wales, le Conseil national des barreaux organisait au Palais des Nations de Genève la conférence « Business and the Bar: The Legal Profession’s Leadership on Business and Human Rights » (PDF). cette conférence qui a permis d’entendre le point de vue de membres d’ONG, de juristes d’entreprise, d’avocats et de représentants de barreaux – tant du Nord que du Sud – a débouché sur l’adoption d’une déclaration commune qui doit ouvrir la voie pour de prochaines initiatives des barreaux et de la communauté juridique dans son ensemble en faveur du renforcement de ce domaine du droit et de la préparation adéquate des avocats.

Cet article a été traduit en espagnol
Cet article a été traduit en anglais


Jeudi 18 Juin 2015

     


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